QUELLES EXPLOITATIONS AGRICOLES DEMAIN ? - POUR QUELS CONSOMMATEURS ?
 
Virginie Laffon, Bernard Gaillard, Jean Paul Prévot, Hubert Bouchet, Joseph Marchadier
 
Juillet 2016
 
 

RESUME

 
Cet article fait suite à une réflexion engagée antérieurement par le groupe de pilotage d’Interactif destinée à anticiper les grands axes de ce que pourrait être l’agriculture de demain.
Dans un premier temps, les auteurs se sont attachés à identifier ce qu’ils ont appelé les « signaux faibles », autrement dit ces signes avant-coureurs susceptibles d’influer de façon directe ou indirecte sur l’économie agricole(1).
Dans ce large inventaire initial de signaux et de tendances émergentes s’est dessinée en filigrane une nouvelle donne socio-économique caractérisée, d’une part, par l’inversion du rapport de dépendance producteur- consommateur, ce dernier s’imposant de plus en plus (dans les pays développés) comme le maître du jeu, et l’entrée du citoyen sur le théâtre des opérations avec ses exigences d’éthique, de durabilité et de transparence ; de l’autre, par les avancées permanentes de la technique et de la science, et par les effets, en partie encore inconnus, de la production de matières premières non alimentaires dans le champ agricole (bio-carburants, éco-matériaux de construction, etc…)
 
Le présent article s’interroge sur les effets que cette nouvelle donne pourrait générer sur l’équilibre des exploitations agricoles que nous connaissons aujourd’hui.
Les auteurs ont retenu 6 types d’exploitation couvrant une palette jugée représentative mais non exhaustive des systèmes agricoles existants en France, allant de l’exploitation de survie à l’exploitation capitalistique, en passant par l’exploitation spécialisée, la polyculture-élevage, l’exploitation pratiquant la transformation de sa production et l’exploitation familiale modernisée.
Ils se sont ensuite posé la question de mesurer l’aptitude que chacune d’entre elles avait à répondre aux facteurs caractéristiques de la nouvelle donne, qualifiés de « déterminants », eux-mêmes déclinés selon un certain nombre de critères.
 
 Une note a été attribuée à l’aptitude de chaque type  d’exploitation à répondre aux différents critères. Le système de notation a fait l’objet d’une attention particulière, chaque note étant elle-même déclinée dans sa valeur absolue et dans sa sensibilité plus ou moins grande aux variations du contexte social, technique ou économique. La moyenne des notes par type d’exploitation a permis de comparer entre elles les exploitations par rapport à un même critère.
Ce système de notation couplé à des graphiques a permis de faire apparaitre des différences d’intensité et de nature entre les exploitations.
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Pour le futur, l’exploitation agricole ne cessera de recevoir des signaux faibles éphémères où durables. Leur audibilité requière l’attention la plus exercée et le discernement le plus éclairé pour repérer et identifier les signaux faibles dont certains se transformeront en puissants leviers.
L’inattention aux signaux faibles et l’insuffisance de discernement peuvent par exemple expliquer que les modalités nouvelles d’acquisition des terres n’aient été repérées aux premiers temps de leur essor. En résulte une situation qui aura des effets dont l’ampleur est insoupçonnée, et incontrôlable.
De leur côté, les consommateurs et les citoyens ne lâcheront plus rien car, à tort ou à raison, ils n’ont plus peur de manquer. Désormais, l’exigence citoyenne garantit l’effectivité du principe de précaution. Les consommateurs peuvent laisser le porte monnaie arbitrer, y compris en faveur du bas coût sous contrôles sanitaires et qualitatifs.
A ce stade cantonnée la puissance du consommateur peut conduire ce dernier à s’inviter plus avant dans la production. Cela pourrait commencer par l’agriculture de ville. A ce jour utopique et objet de science fiction, l’agriculture urbaine peut ouvrir des voies qui, par capillarité construiront ce qu’on ne sait anticiper.
A ce stade, le présent travail ouvre des perspectives qui le font apparaître introductif de suites. Ces dernières pourraient, par exemple prendre la forme   d’un observatoire dédié à la traque de ces signaux, et d’une veille sur la dynamique des leviers qui un à un ou combinés façonnent le futur.
(1) Le lecteur gagnera à se reporter à l’article qui leur est consacré et qui fait état des premiers pas de la réflexion Cf. Evolutions futures de l’Agriculture « des signaux faibles aux tendances lourdes » Indicateurs des évolutions prévisibles de l’agriculture, www .interactif.agriculture.org)
 
 
 
Des équilibres bouleversés
Le producteur agricole et le consommateur ont de tout temps été les deux protagonistes de l’économie alimentaire et les conditions de leur « cohabitation » étaient dictées par les contraintes de la nature : Ainsi quand la disette menaçait, c’est le producteur qui imposait sa loi.
Il n’en va plus ainsi aujourd’hui car les équilibres entre eux sont fortement perturbés, notamment par l’arrivée d’un nouveau partenaire, le citoyen, qui s’est invité autour de la table !
D’autres facteurs ont bouleversé cet équilibre: l’explosion des technologies nouvelles, la mondialisation des échanges ou l’avènement de nouvelles composantes économiques, comme la spéculation sur les matières premières.
De plus, pendant longtemps, le producteur et le consommateur étaient la même personne. Une rupture est intervenue au milieu du 20ième siècle, avec la baisse continue du nombre d’agriculteurs qui étaient près de 10 millions en 1945 et qui ne sont plus que 500 000 aujourd’hui !
L’étude présentée dans cet article s’appuie sur la réflexion d’un groupe d’une douzaine d’adhérents de l’association INTERACTIF.
Afin d’imaginer les trajectoires futures les plus probables de notre agriculture, une première série de réflexions a été conduite autour d’indicateurs concernant l’évolution de la société, la demande des consommateurs et l’importance des nouvelles technologies. 
Ces réflexions sont résumées dans l’article intitulé : « Evolutions futures de l’agriculture, des signaux faibles aux tendances lourdes » publié sur le site en Septembre 2015.
Deux autres articles sont également parus dans la rubrique « Libres propos », sous la plume d’ H. BOUCHET : « Vers l’agriculture scientifiquement productive », en Octobre 2014 et « Agrifutur » en mai 2015. Ces trois articles ont servi de base à la réalisation de cette étude.
 
I-       OBJECTIF ET METHODOLOGIE DE L’ÉTUDE
De même que les modifications de l’environnement orientent l’évolution des êtres vivants, les changements en cours dans la société entraineront des modifications dans la compétitivité des différents types d’exploitation agricole.
L’objectif de cette étude est de prévoir les exploitations qui seront les mieux adaptées aux conditions futures.
Pour cela, nous avons retenu six grands types d’exploitation, sans avoir la prétention d’être exhaustifs, mais avec le souci d’avoir une palette assez large des systèmes de culture et d’élevage.
Ces types d’agriculture ont ensuite été passés au crible de plusieurs « déterminants » qui, de l’avis du groupe, ont et auront des effets de plus en plus marqués sur les évolutions des exploitations.
Ce sont : le consommateur et ses attentes, le citoyen et ses exigences, les nouvelles technologies et enfin, l’avènement des marchés non alimentaires dans l’économie agricole.
Chacun de ces déterminants a été décliné sous plusieurs aspects, appelés « critères » et définis précisément par le groupe ; ces critères sont au nombre de dix huit.
Chaque type d’exploitation a reçu une note qualifiant son aptitude à répondre à tous ces critères. Cette note a été elle même déclinée dans sa valeur absolue, sur une échelle de 1 à 5, et doublée d’ une note de sensibilité plus ou moins grande aux variations du contexte social, technique ou économique.
Toutes les notes ont été attribuées après échanges et consensus du groupe et regroupées dans une matrice de 648 cases: 6 types d’exploitations, dédoublés selon 3 orientations « cultures »,  « élevage » et « mixte » combinés à 36 critères.
 
II- LES EXPLOITATIONS ET LES DETERMINANTS
 
A-              Les exploitations.
 
Elles sont caractérisées par leur taille, leur production dominante et la nature de leurs capitaux, familiaux ou extérieurs. Toutes les productions et leurs éventuelles combinaisons n’ont pas été imaginées, les principales retenues étant la polyculture-élevage, les grandes cultures et les cultures spécialisées comme le maraîchage.
Il n’a pas été fait de différence entre agriculture biologique et agriculture conventionnelle, le mode de culture n’étant pas, à priori, un facteur de différenciation stable.
1-L’exploitation de survie
Il s’agit d’une exploitation qui n’a pas ou peu évolué, de taille inférieure aux standards habituels ; le chef d’exploitation n’a pas, à priori, de successeur, il est souvent double actif.
On peut la rencontrer aussi bien dans la polyculture-élevage (lait, viande bovine …), en plaine ou en montagne, ainsi que dans les productions spécialisées (maraichage, viticulture…)
Cette exploitation a un avenir limité car elle n’a pas pu ou pas voulu utiliser le progrès technique, ni s’adapter à l’évolution de son environnement. La forte diminution du nombre des exploitations agricoles au cours des 40 dernières années concerne surtout cette catégorie.
 
De plus, elle est souvent sans successeur et difficilement transmissible en l’état pour l’installation d’un jeune. En général, elle vient agrandir la ou les exploitations encore présentes dans son environnement proche.
 
2-La petite exploitation spécialisée. 
Elle s’appuie sur des productions végétales de type maraichage, horticulture ou arboriculture, ou encore sur des ateliers de production animale comme le porc ou la volaille.
Ses productions sont relativement intensives, du fait de sa faible surface. Pour être compétitive et limiter les risques du marché, elle doit maitriser parfaitement la technique ainsi que ses coûts de production.
On la trouve souvent en zone péri-urbaine ; lorsque la nature de ses productions le permet, elle pratique la vente directe, à la ferme ou sur les marchés, ce qui correspond à une forme de pluriactivité.
 
3- L’exploitation de polyculture-élevage.
C’est un type d’exploitation largement dominant, que l’on rencontre dans toutes les régions d’élevage : Ouest, Centre, Est et Sud Ouest. Ses productions sont traditionnelles, lait, viande bovine ou ovine, avec des céréales et parfois un atelier hors sol de porcs ou volailles.
De surface variable suivant les régions, (petite à moyenne dans l’Ouest et le Sud Ouest, plus grande dans l’Est et le Centre), elle a suivi l’évolution générale des techniques et des structures d’exploitation, s’agrandissant toujours un peu, lorsque les exploitations voisines disparaissaient.
Elle rencontre en général beaucoup de difficultés d’adaptation aux conditions de marché et va de crise en crise, malgré une certaine capacité de résilience en raison des économies de charges sur les cultures grâce à l’élevage, ainsi qu’au recours à une main d’œuvre familiale.
 
4- L’exploitation qui transforme ses produits.
On la trouve dans les productions animales de ruminants (lait, viande) ou de monogastriques, porc et volaille ; elle dispose d’un atelier de transformation à la ferme, de type fromagerie ou abattage et découpe de viande ; elle vend ses produits transformés directement aux consommateurs de proximité ou à de petits distributeurs.
De taille plus ou moins grande, elle emploie une main d’œuvre relativement importante. Soumise à des normes très strictes en matière de qualité, elle s’appuie sur le désir de proximité de ses acheteurs, souvent en périphérie des centres urbains.
 
5- L’exploitation familiale modernisée
C’est un type d’exploitation que l’on rencontre dans toutes les régions et dans la plupart des productions. Malgré les difficultés économiques, elle a su évoluer, en captant le progrès technique, tout en s’agrandissant.
C’est une version plus évoluée de l’exploitation traditionnelle qui a su faire évoluer son organisation, notamment par des formes d’association qui optimisent la main d’ œuvre.
Elle a souvent un statut de société (GAEC, SCEA..) et s’appuie sur une cellule familiale solide et élargie : père, fils, frère, sœur…
Elle assure sa compétitivité grâce à un bon équilibre entre les productions végétales et animales dans les régions de polyculture-élevage ou grâce à une spécialisation bien maitrisée, dans les régions de grandes cultures, comme les céréales, oléoprotéagineux, betterave à sucre et pomme de terre.
On la trouve aussi en viticulture, arboriculture et maraichage.
 
6- L’exploitation « capitalistique ».
C’est une exploitation de grande taille, plusieurs centaines d’ha en grandes cultures ou avec des effectifs animaux importants lorsqu’il s’agit d’élevage.
Elle s’est développée à la faveur des évolutions récentes du contexte agricole : baisse des prix due à la mondialisation des échanges, disparition des petites exploitations, arrivée de capitaux extérieurs à la cellule familiale.
Elle représente un nouveau type d’unité de production dont la taille optimise l’activité et la compétence des agriculteurs qui se sont souvent regroupés pour la constituer.
 
Elle développe les technologies les plus modernes (informatique appliquée, robotique…) et tire son épingle du jeu par une saine gestion et par une bonne connaissance des marchés.
Elle est symbolisée par la « ferme des 1000 vaches » ou par les grosses exploitations porcines bretonnes.
Elle est souvent décriée car elle incarne la transformation du monde agricole, qui ne plait pas aux nostalgiques de la paysannerie traditionnelle ou plus simplement parce qu’elle accélère la disparition des structures plus modestes et moins compétitives.
 
B-              Les déterminants
Nous appelons déterminant un ensemble de facteurs qui caractérisent l’environnement de l’agriculture et qui sont susceptibles d’influencer son évolution. Ils sont classés en quatre grandes catégories : l’attente des consommateurs, les souhaits des transformateurs industriels de matières premières agricoles, les exigences des citoyens soucieux de durabilité et d’éthique, enfin l’offre des technologies nouvelles utilisables en agriculture.
 
1- Le consommateur et ses attentes.
Ces attentes sont diverses ; cinq ont été retenues :
-Le rêve et la nostalgie de ce qui existait « avant » : des produits « naturels » avec le moins de transformation possible.
-La proximité, attente dans la logique de la précédente: pas ou peu
            d’intermédiaire entre lui, consommateur et « son » producteur.
-La conformité des pratiques de production aux normes en vigueur
De plus en plus informé, le consommateur souhaite des pratiques agricoles en conformité avec les standards en vigueur et ne tolère pas qu’on y déroge.
-Le prix des produits alimentaires. Avec la baisse régulière des coûts de production, la concurrence internationale et la part de plus en plus faible du coût de l’alimentation dans les dépenses des ménages, le prix est souvent un facteur décisif dans le choix des consommateurs.
La sécurité sanitaire. Marqué par quelques grands « scandales » liés à la production et à la transformation des denrées alimentaires et bien que ces évènements aient fait plus de dégâts dans les esprits que dans les corps, le consommateur exige le risque « zéro ».
 
2- L’aptitude des productions à satisfaire d’autres marchés que l’alimentation, en tant que matières premières.
Grâce à leur composition, beaucoup de produits agricoles peuvent être utilisés à des fins industrielles, autres qu’alimentaires : par exemple, les graines de céréales et d’oléagineux, ainsi que la biomasse de nombreux végétaux pour produire des carburants.
Cette aptitude confère aux exploitations agricoles des possibilités de développement selon les coûts des produits concurrents, comme les énergies fossiles.
Pour ce faire, elles doivent satisfaire à des contraintes spécifiques, comme
-répondre à des normes industrielles,
-assurer un approvisionnement régulier
-garantir des prix compétitifs.
 
3- Le citoyen et ses exigences.
Le citoyen a de nombreuses exigences, parmi lesquelles quatre ont été retenues.
-L’éthique. Le respect de l’environnement et le souci du bien être animal en sont les exemples les plus marquants.
-La durabilité, que l’on peut traduire par la volonté de voir les consommations intermédiaires (eau, énergie, engrais…) limitées au maintien d’une production en équilibre d’une année sur l’autre, avec le souci des générations futures.
-La transparence. Le producteur ne peut plus se retrancher derrière la
complexité de son métier car l’information est devenue accessible à tous et en tous domaines. Le citoyen veut savoir d’où viennent les produits qu’il achète et comment ils ont été produits.
-Le rôle social. L’agriculture doit aussi jouer son rôle dans la société, en particulier en maintenant l’emploi, voire en réduisant le chômage.
 
4- Les technologies
Contrairement aux déterminants extérieurs à l’exploitation, comme le consommateur et le citoyen, l’adoption des techniques fait partie du cœur de métier de l’agriculteur; elle a de tout temps accompagné l’évolution des exploitations, avec un encadrement technico-économique par les organismes de conseil omniprésents.
Les technologies mises en œuvre peuvent se décliner en 5 catégories : la chimie, la génétique, la robotique et la numérisation, les nouvelles sources d’ énergie, la valorisation des données météorologiques et les techniques dites « alternatives ».
La chimie est à la base des engrais, des produits de protection des plantes, de certains mécanismes de régulation de la croissance des cultures, sans oublier les produits utilisés dans le stockage et la conservation des productions.
Utilisées de manière raisonnée, grâce aux nombreux outils d’aide à la décision et à l’amélioration continue des molécules, les techniques de production devraient continuer à bénéficier des progrès de la chimie.
La génétique a permis l’amélioration continue des espèces végétales et animales, tant en matière de productivité que de qualité des productions.
Appliquée à des critères définis avec les utilisateurs, la sélection bénéficie de techniques nouvelles, de plus en plus performantes dans la création des variétés.
La robotique, elle, n’en est encore qu’à ses débuts : robots de traite, pilotage automatique des matériels de travail du sol, de fertilisation des cultures…Couplée aux bases de données issues de l’observation et de la modélisation, elle devrait s’imposer de plus en plus dans le quotidien des exploitations, en réduisant la pénibilité de certains travaux.
L’appropriation de nouvelles sources d’énergie à partir de la biomasse végétale ou directement du soleil ou de l’air permet de s’ affranchir de plus en plus des énergies fossiles, avec beaucoup moins d’ impact sur l’environnement.
 
L’utilisation des données historiques du climat, combinée aux bases de données et modèles éco-physiologiques des cultures permet de simuler le fonctionnement des plantes et de leur environnement (maladies et ravageurs), tout en réduisant les coûts de recherche liés à l’expérimentation.
De même, les prévisions météorologiques, de plus en plus fines, limitent les risques inhérents à la variabilité des facteurs de production que sont le rayonnement, la température et la pluviométrie.
Enfin, les techniques dites « alternatives » au modèle dominant que l’agriculture a connu depuis un demi siècle, apportent un certain nombre de solutions dans différents domaines comme la préparation des sols, l’implantation, la protection des plantes et la conduite intégrée des cultures, seules ou en association. Elles révolutionnent même les modes complets de production, comme l’agroforesterie.
 
III/ LES RÉSULTATS
 
A/ Les atouts de chaque type d’exploitation
Dans un premier temps, nous allons essayer de caractériser les forces et les faiblesses de chaque type d’exploitation face aux exigences du future.
Les graphiques suivants rassemblent les notes obtenues pour les différents critères par les différents types d’exploitation selon les modalités définies au chapitre I.
Sur chaque graphique, les couleurs bleues, rouges et vertes donnent les notes obtenues par les exploitations spécialisées en élevage, en culture végétale et les exploitations mixtes. Le tracé noir indique la moyenne générale obtenue par l’ensemble des exploitations étudiées.
L’échelle des graduations va de 1 à 5 et représente la moyenne des notes obtenues. La valeur 0 se trouve au centre et la note 5 sur le dernier cercle extérieur.
Les critères qui concernent le consommateur sont encadrés de rouge, ceux qui concernent les matières premières non alimentaires sont encadrés de vert, ceux qui concernent le citoyen sont encadrés de jaune, et enfin les critères qui touchent à la technique sont encadrés en noir.
 
Graphique N°1 L’exploitation de
survie

 
L’exploitation de survie dont les notes sont rassemblées sur le graphique N°1 obtient des notes inférieures à la moyenne pour la plupart des déterminants. Elle ne satisfait le consommateur que sur le plan du rêve et de la proximité, critères pour lesquels elle est notée très au dessus de la moyenne.
Concernant son aptitude à fournir des matières premières non alimentaires, elle est hors course en raison de l’irrégularité de sa production et sa difficulté à satisfaire à des normes particulières.
Elle ne satisfait les exigences du citoyen que sur le plan de l’éthique et de la durabilité, critères pour lesquels elle est notée au niveau de la moyenne générale.
En matière de techniques, elle ne présente d’atout que pour sa faible consommation énergétique, elle ne fait pas vraiment appel aux autres aspects de la technique.
Il y a peu de différences entre les différentes orientations de ce type d’exploitation.
 
Graphique N° 2 La petite exploitation spécialisée
 

 

La petite exploitation spécialisée s’écarte peu de la moyenne sur l’ensemble des critères, elle présente des points forts au niveau du rêve lorsqu’elles pratique l’élevage. Les exploitations mixtes sont considérées comme plus durables. Elles utilisent bien la chimie, la génomique et la météo. Elles sont moins performantes sur les prix du fait de leur petite taille. Elles utilisent moins bien que la moyenne la robotique, les techniques alternatives et les économies d’énergie du fait de leur petite taille et de leur faible capacité d’investissement. Si la robotique du future évolue vers le traitement d’unités de plus en plus petites, le classement sur ce critère pourrait évoluer favorablement.
 
Graphique N°3 L’exploitation de polyculture-élevage/polyactif
 
Ce type d’exploitation en élevage et production mixte est favorable au rêve du consommateur et conforme à l’éthique du citoyen. Il est favorable à l’emploi
Sur tous les autres critères, il est inférieur à la moyenne.
Lorsque les exploitations de ce type se consacrent à la culture, elles sont plus équilibrées et peu éloignées de la moyenne. Elles utilisent bien la chimie, cependant, elles sont considérées comme peu perméables aux techniques alternatives du fait de leur faible spécialisation.
 
 
 
 
 
Graphique N°4 Production + Transformation
Ce type d’exploitation est très proche de la moyenne générale.Pour le consommateur, elle est supérieure sur le rêve, la proximité et la pratique lorsqu’elle pratique des spéculations mixtes ou d’élevage. Elle est également supérieure à la moyenne quant à l’éthique et la durabilité appréciée par le citoyen. La visibilité créée par la proximité et le contact avec le consommateur favorise son image et lui permet de dégager des marges économiques au travers de la vente directe.
Si elle est orientée culture, elle est très proche de la moyenne sur tous les plans
 
  
 
 
 Graphique N°5 Production familiale moderne
 
Ce type d’exploitation est proche de la moyenne pour l’ensemble des critères qui concernent le consommateur, sauf pour la sécurité sanitaire où elle est nettement supérieure à la moyenne.
Il est possible que la dimension familiale de cette exploitation la fait percevoir comme moins risquée que les structures plus « industrielles ».
 
Il est supérieure ou égale à la moyenne pour l’ensemble des autres critères.
La capacité à capter l’innovation serait en définitive plus à attribuer à la personnalité du chef d’exploitation qu’à la taille de l’exploitation.
 

 Graphique N°6 L’exploitation capitaliste

 
Ce type d’exploitation est noté de façon très contrastée. Elle n’a pas bonne presse auprès du consommateur ou du citoyen lorsqu’il s’agit d’éthique, de rêve, de proximité, des pratiques ou de rôle social.,malgré qu’il soit bien jugé sur le critère de la transparence.
Il est très bien notée sur tous les caractères qui touchent à l’économie ou à l’adaptation au marché ainsi que pour la mise en œuvre des techniques de production efficaces.
Il y a très peu de différences en fonction des spéculations pratiquées.
 
 
B/ Le classement des exploitations
Tous les déterminants et tous les critères n’ont pas le même poids dans leur capacité à influencer les exploitations agricoles, il est donc légitime de juger les différents types d’exploitation en affectant à chaque note un coefficient permettant de moduler l’action des déterminants et des critères. Dans un premier temps, nous avons affecté aux notes les coefficients suivants.
 
 
 
L’utilisation de ce tableau est la suivante : chaque note figurant dans les graphiques précédents est multipliée par le coefficient du déterminant et par le coefficient du critère. Par exemple, la note du rêve pour le consommateur est multipliée par 4 puis par 3 donc au total par 12.
Le graphique N°7 présente les résultats obtenus.
Il montre un avantage certain pour les exploitations capitalistes et les exploitations familiales modernes. Ces types d’exploitation peuvent profiter de l’ensemble des apports de la technique.
Les petites exploitations spécialisées et celles qui transforment tout ou partie de leur production tirent leur épingle du jeu. Quant aux deux autres, l’exploitation de survie et l’exploitation de polyculture élevage, elles auront du mal à s’adapter aux exigences futures.
 
Graphique N°7 Classement globale
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ces résultats globaux cachent des différences importantes suivant les critères utiliser pour les juger.
En affectant le coefficient maximum à un déterminant et le coefficient 0 aux autres, on peut ainsi faire apparaître l’aptitude de chaque type d’exploitation à satisfaire les critères de chaque déterminant.
 
1/La satisfaction du consommateur
En affectant le coefficient 5 au consommateur et 0 aux trois autres, on obtient le graphique N°8.
 
Graphique N°8
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 L’aptitude des différents types d’exploitation à satisfaire le consommateur
est relativement peu variable, seules les exploitations de survie et surtout de polyculture-élevage sont légèrement en retrait par rapport aux 4 autres.
Mais cette relative homogénéité des moyennes cache des différences notables dans la satisfaction des 5 critères demandés par les consommateurs.
Les exploitations de survie donnent davantage de rêve et de proximité que la moyenne, mais leur aptitude à garantir des pratiques correspondant à l’éthique des consommateurs, des coûts maitrisés et une sécurité sanitaire satisfaisante est très inférieure à la moyenne.
Les exploitations capitalistes sont dans une situation pratiquement inversée. Très mal placées sur le plan du rêve, de la proximité et des pratiques conformes aux attentes des consommateurs, elles sont très bien placées sur le plan des coûts de production et de la sécurité sanitaire.
 
2/ La fourniture de matières premières non alimentaires
Le coefficient 5 est attribuée à ce déterminant et 0 aux trois autres. Les résultats font l’objet du graphique N°9.
 
Graphique N°9
 
 
Pour ce déterminant, le classement des exploitations est bien tranché. Les exploitations familiales modernes et les exploitations capitalistes passent nettement en tête en raison de leur aptitude à produire pas cher des produits réguliers et répondant à des standards précis.
Les exploitations de survie sont pratiquement éliminées de ce marché pour des raisons inverses. Tandis que les autres types d’exploitation prennent des places intermédiaires.
 
3/ La satisfaction du citoyen
Le coefficient 5 est attribuée à ce déterminant et 0 aux trois autres. Les résultats font l’objet du graphique N°10.
 
Graphique N°10
 
 

Pour ce déterminant, les différences entre les types d’exploitation s’estompent. La différence se fait sur les spéculations. Les productions végétales sont plus mal vues que les orientations élevage ou production mixte. Cela tient sans doute aux idées que le citoyen se fait des équilibres agricoles.

4/ L’aptitude à utiliser le progrès technique
Le coefficient 5 est attribuée à ce déterminant et 0 aux trois autres. Les résultats font l’objet du graphique N°11.
 
Graphique 11
 
 

Sur ce plan, les hiérarchies sont nettes. Les exploitations familiales modernes et capitalistes sont en tête, les exploitations de survie sont enfoncées et les autres tirent leur épingle du jeu. On note dans tous les types d’exploitation une plus grande difficulté à utiliser les techniques dans les exploitations d’élevage, cela est surtout sensible en polyculture élevage.

CONCLUSION
Cette étude n’a pas la prétention de dire ce que sera l’agriculture française dans 20 ou 30 ans.
Son ambition était simplement d’analyser comment le contexte sociétal, à travers le comportement du consommateur et du citoyen, ainsi que l’environnement de la production agricole, comme le développement des technologies et la montée en puissance des marchés non alimentaires des matières premières, pouvaient influencer l’évolution des principaux systèmes d’exploitation actuels.
A la lumière des réflexions et analyses du groupe, il ressort que trois des six types d’exploitation étudiés présentent des atouts de développement futur.
La petite exploitation spécialisée dans certaines productions comme le maraichage ou la volaille label, malgré sa faible capacité d’investissement liée à sa taille, devrait résister ; elle est en effet très prisée du consommateur. De plus, condamnée à accroitre en permanence sa productivité, elle pourrait bénéficier de technologies nouvelles comme la robotique au champ, en limitant ainsi un recours à une main d’œuvre trop importante et trop coûteuse.
L’exploitation familiale modernisée a su traverser, non sans mal, les décennies, grâce notamment à une bonne complémentarité entre les productions (exemple entre élevage et cultures) et une maîtrise des coûts de production. Elle intrègre raisonnablement les technologies et garde auprès du consommateur et du citoyen l’image d’une ferme à taille humaine.
L’exploitation capitalistique, malgré son manque d’image auprès du grand public, possède de sérieux atouts face à la concurrence internationale : accès à des capitaux extérieurs à l’agriculture, bonne maitrise des technologies nouvelles, comme la génomique ou la robotique, économies d’ échelle importantes. Elle est capable de fournir une bonne qualité sanitaire et une régularité de sa production.
.Elle devra toutefois faire preuve de transparence et développer une communication positive vers les responsables politiques et professionnels.
Le sort des autres types d’exploitation retenus dans l’étude est incertain.
L’exploitation traditionnelle de polyculture-élevage, souvent sans repreneur familialfait les frais de la régression du nombre d’exploitations françaises depuis plusieurs décennies. Seules resteront celles qui auront la chance de bénéficier d’une reprise par un jeune ou qui sauront se regrouper.
L’exploitation qui transforme tout ou partie de ses produits pour les commercialiser sur place ou sur les marchés, semble à la croisée des chemins. Elle a, certes, une bonne visibilité grâce à un contact direct avec le consommateur mais elle exige davantage de main d’œuvre et doit supporter des normes d’hygiène contraignantes et coûteuses. Son avenir semble limité aux zones péri-urbaines.
D’autres types d’exploitation pourraient voir le jour à la faveur d’évènements non prévisibles à l’heure actuelle.