Groupe de travail « Prospective » INTERACTIF :
Daniel BLOC, Hubert BOUCHET, Bernard CURE, Joseph MARCHADIER, Alain MOUREAUD, Alain MOREL.
PLACE DE L’AGRICULTURE FRANCAISE DANS L’OFFRE ALIMENTAIRE MONDIALE EN 2050
(Présentation du Diaporama)
1. UNE DEMANDE ALIMENTAIRE MONDIALE IMPORTANTE, A SATISFAIRE D’ICI 2050
L’origine des réflexions du groupe de travail « Prospectives » d’Interactif fait suite aux interrogations sur la place de l’Agriculture Française et sa capacité à nourrir les 1.7 milliards d’habitants supplémentaires qui peupleront la planète à l’horizon 2050.
Ce travail a consisté à recenser et à analyser les études débouchant sur divers scénarios, réalisées par les grands organismes internationaux. Des synthèses ont également été effectuées par des organismes français comme le Centre d’Etude et de Prospective du Ministère de l’Agriculture ou très récemment par l’Académie des Sciences.
De cette bibliographie, nous avons retenu un scénario tendanciel (par opposition aux scénarios de rupture) qui nous paraît le plus adapté à ce que sera l’agriculture et l’alimentation des hommes dans le monde de 2050. Ce scénario est proche de la vision de la FAO - 2010, et du scénario Agrimonde GO (INRA – CIRAD 2009).
Dans ce scénario la prévision démographique de 9 milliards d’habitants à l’horizon 2050 n’est pas remise en cause. Nous avons retenu, au niveau mondial, les tendances suivantes :
· Priorité est donnée au développement économique et à la croissance
· Priorité est donnée à la poursuite de l’augmentation de la production agricole à l’unité de surface, ce qui permet de limiter l’extension des surfaces nouvelles à mettre en culture .
· La limitation de l’extension des surfaces cultivées permet de consacrer d’autres surfaces cultivables potentielles à une production agricole à utilisation bioénergétique et à favoriser le maintient d’espaces naturels comme sources de biodiversité.
· L’augmentation de la consommation de viande dans les pays en développement nous apparaît comme inéluctable. De grands pays comme la Chine y sont déjà fortement engagés. L’intensité du phénomène dépendra de l’évolution culturelle d’autres pays très peuplés comme l’Inde. L’augmentation des besoins alimentaires sera important.
· La prise en compte de contraintes environnementales exigées par la société trouvera ses solutions à travers un fort contenu technologique et une mise en œuvre sur le terrain économiquement profitable.
De cette analyse bibliographique il ressort, contrairement à ce que nous étions en droit de penser au démarrage de cette étude, qu’il n’y a pas de problèmes majeurs pour nourrir potentiellement le monde d’ici 2050 :
· Que ce soit par la poursuite de l’augmentation mondiale des rendements.
· Que ce soit par la prise en compte de surfaces nouvelles qui peuvent être utilisées comme variable d’ajustement.
Nous sommes cependant conscients qu’une vision macroéconomique, simpliste mais réaliste, comme celle-ci a ses limites :
· La poursuite de l’augmentation des rendements ne pourra se faire qu’avec un investissement important d’ordre scientifique et technologique.
· De même « produire plus avec moins » (l’intensification durable), n’est envisageable qu’en levant des verrous technologiques (certains sont en cours comme celui de la génétique).
· Enfin, la possibilité de nourrir potentiellement et globalement le monde d’ici 2050 n’exclut pas, loin s’en faut, des inadaptations ou des problèmes localisés, sources d’instabilité ou de conflits potentiels. Pour beaucoup de pays non encore développés et notamment en Afrique, des solutions politiques, sociales et économiques doivent d’abord être mises en œuvre par des gouvernements responsables.
NOURRIR LA PLANETE N’EST DONC PAS POUR LA FRANCE UNE FIN EN SOI.
En tout état de cause, il faudra rajouter aux 2 milliards de tonnes de céréales produites actuellement, 1 milliard de tonnes supplémentaires d’ici 2050.
2. L’AGRO-INDUSTRIE, UN SECTEUR EXCEDENTAIRE VITAL POUR L’ECONOMIE FRANCAISE
A une époque où l’on redécouvre que les grandes puissances agricoles de la planète sont également de grandes puissances politiques et que l’agriculture et l’alimentation redeviennent des marqueurs de la puissance d’une économie, il nous faut examiner la situation de l’agriculture et de la céréaliculture en France.
La céréaliculture française, un secteur économique essentiel à maintenir et à développer :
· Plus de 50% de la production de céréales françaises est exportée, en priorité vers les pays tiers pour le blé et vers l’UE pour le maïs. Cette situation permet aux céréales françaises d’être un des rares secteurs économique excédentaire (4.4 milliards d’euros sur 11.5 milliards pour l’ensemble du secteur agroalimentaire) dans une balance commerciale ayant enregistré un déficit commercial record en 2011 (70 milliards d’euros).
· Il est VITAL pour l’économie française de garder son rang de grande puissance agricole. C’est à cette seule condition que la production agricole française participera, s’il le faut à l’alimentation des régions et des pays déficitaires.
· Néanmoins de fortes positions concurrentielles se développent :
- De grandes puissances agricoles apparaissent : Chine, Inde et plus récemment le Brésil avec de fortes ambitions exportatrices.
- Plus près de nous, les pays de la Mer Noire (Russie, Ukraine et Kazakhstan) visent à terme 25 % des exportations mondiales de blé contre 10 % aujourd’hui.
Dans ce cadre la céréaliculture française présente néanmoins des atouts indéniables :
- une régularité de la production supérieure aux grands pays producteurs (climat tempéré et sols favorables à la production)
- un savoir faire de haut niveau
- une production aux portes de l’Afrique, région la plus nécessiteuse
3. MAIS… LES PERFORMANCES DE LA CEREALICULTURE FRANCAISE DECLINENT
Nos capacités d’augmentation de la production sont remises en cause :
- perte de surfaces cultivables à haute valeur agronomique (plus de 80.000 ha/an, le rythme le plus élevé des pays européens.
- Erosion de la compétitivité de notre agriculture face à l’émergence des nouveaux exportateurs potentiels
- Mais surtout une faible progression, voire une stagnation des rendements céréaliers en France alors que partout ailleurs ils continuent leur progression. Ainsi, les rendements moyens en blé stagnent depuis une quinzaine d’années et les rendements du maïs continuent à progresser mais plus lentement (alors qu’aux USA, à même niveau de productivité, il n’apparaît aucun ralentissement).
La stagnation des rendements en blé français mérite une analyse fine et objective :
L’étude CLIMATOR (2010) donne des pistes intéressantes mais devrait faire l’objet d’une analyse critique et d’études complémentaires.
CLIMATOR est un projet de recherche pluridisciplinaire destiné à étudier les impacts potentiels du changement climatique sur les systèmes de culture français. L’étude a été pilotée par l’INRA auquel ont été associés 7 instituts représentant les principales productions végétales françaises.
Cette étude montre que :
1/ certaines espèces comme la Betterave réagissent favorablement au réchauffement climatique, alors que d’autres comme le blé réagissent défavorablement.
2/ Pour le blé, une analyse complémentaire (A. Gallais, GIS Moulon) montre sur la période 1995 – 2010 que la stagnation des rendements résulte de la combinaison d’un certain nombre de facteurs :
· Progrès génétique : + 1q / ha / an
· Milieu et techniques culturales : - 0.3q / ha / an
· Climat : - 0.7q / ha / an
Il est étonnant de voir une part du progrès génétique aussi important, d’autant plus que pendant toute cette période l’inscription au catalogue a favorisé les Blé Panifiables Supérieurs en général plus précoces et présentant un potentiel de rendement plus faible.
En ce qui concerne les aspects milieu et techniques, la diminution de l’effet « intrants » nous semble sous estimée, que ce soit quantitativement ou qualitativement, notamment dans le cas des fongicides (aspect résistance et renouvellement plus lent des nouvelles molécules).
Dans ces conditions l’effet climat nous paraît avoir été sensiblement surestimé.
4. CONCLUSIONS
· Il est d’abord VITAL pour l’économie française de maintenir un puissant secteur agroalimentaire, dont les céréales, pour rééquilibrer notre balance commerciale dont le déficit ne cesse d’augmenter
· Le maintient de la France comme une grande puissance agricole mondiale est la condition indispensable pour lui permettre de participer, autant que de besoin, à la sécurité alimentaire de la planète.
· Il nous paraît important d’analyser précisément les causes multifactorielles de la régression des augmentations de rendement du maïs et surtout du blé. Il apparait encore plus stratégique pour la filière de mettre en œuvre toutes les avancées technologiques en cours et à venir, aujourd'hui malheureusement bloquées par une règlementation peu adaptée aux enjeux technico-économiques de ces prochaines années.
B. CURE
Rapporteur du groupe